La commune de Jeansagnière existe depuis 1828. Avant cette date, son territoire dépendait de la commune de Saint Just en Bas.
Les premiers signes de son autonomie figurent aux archives diocésaines de l’archevêché de Lyon et remontent à 1803. Il est alors fait état d’une « succursale » nouvellement créée sur la montagne de Saint Just en Bas. En effet « la rigueur du temps sur cette montagne » ne permettait pas aux paroissiens de pratiquer leur religion dans des conditions convenables.
Pour satisfaire à la requête des habitants de la succursale, le curé de Saint Georges en Couzan consentit alors à bénir solennellement la chapelle existante et son cimetière attenant. La chapelle en question se situait déjà au hameau de la chaise où elle fut construite en 1806 . On sait qu’elle était de taille modeste avec une nef flanquée de deux chapelles à ses bas côtés. Le hameau de la Chaise, futur chef lieu de la commune, ne comptait alors que quelques maisons. Consécutivement, un « desservant » sera accordé et le vicaire Prajoux de Saint Just en Bas assurera cette fonction.
La chapelle sera mise sous la protection de la Vierge Marie et portera le nom de Notre Dame du Bon Secours. On comprend déjà pourquoi la fête patronale sera ultérieurement fixée au 15 août, date de la fête de la Vierge Marie.
Outre la messe du dimanche, quatre autres seront célébrées chaque semaine ; une pour le pape, une pour l’archevêque, une pour l’empereur et une pour l’union de la nouvelle paroisse.
Dès les premières années, les paroissiens connaissent quelques difficultés avec leur curé qui fréquente « les cabarets » et y rencontre de « mauvais laïcs » ; l’histoire dit même qu’il s’enivre et affiche une mauvaise conduite. Après enquête, il fera l’objet d’une mutation disciplinaire dans un autre diocèse.
En 1827, l’état de l’église est jugé défectueux. Le clocher repose sur quatre piliers de bois, la cloche est cassée et l’autel est en mauvais état. Aussi est-il décidé de rapatrier à Jeansagnière les fondations (les dons) faites par les habitants de la succursale à la paroisse de Saint Just en Bas. Autant d’évènements qui ont sans doute précipité l’indépendance de la commune qui a été officialisée le 1 juin 1828 sur ordonnance du roi Charles X.
Le premier maire de la nouvelle commune de « Jean Sagnère » fut Mathieu Chazelle. Son mandat ne dura que deux ans. Lui et ses successeurs travaillèrent à la réfection de la chapelle puis à l’édification de l’église actuelle au hameau de la Chaize. Les travaux de construction de notre église débutèrent en 1850 pour prendre fin en 1872.
Ils commencèrent sous le mandat de Pierre Béal et se terminèrent sous celui de Pierre Béal. Entre les deux, la commune s’offrit un autre maire de 1865 à 1870 en la personne de François Giraudias. On peut supposer, sans en être absolument certain, qu’il s’agit du même Pierre Béal, celui dont le nom figure gravé sous la corniche du clocher côté sud « 1854 Béal ».
On le voit bien, durant ce siècle où le religieux occupait une grande place, notre commune s’employa durement pour se doter d’une église, d’un cimetière et d’un presbytère. La consultation des archives concernant cette époque souligne les efforts déployés par l’ensemble de la population, tout en nous faisant découvrir notre histoire.
On apprend par exemple que la commune comptait 416 habitants en 1846 ; si la population est restée à peu près stable jusqu’en 1872 (387 habitants), elle connaît une très nette progression à partir de cette année là pour atteindre 462 habitants en 1881. Vingt ans plus tard, au début du vingtième siècle, on ne comptait plus que 407 habitants.
La pression fiscale fut en effet permanente. Tout était entrepris pour trouver de l’argent ; c’est sans doute à partir de cette époque que furent taxés les troupeaux qui paissaient sur les terrains communaux de la commune. En 1876, 50 centimes de franc de l’époque par tête de bétail furent réclamés aux propriétaires. On comptait alors 447 vaches et 553 brebis. Tout juste 1000 animaux qui rapporteraient aujourd’hui plus de 2000 € à la commune.
La générosité de nos ancêtres fut aussi largement sollicitée. Deux donations testamentaires importantes ont été particulièrement relevées. L’une de 1000 francs réalisée en 1849 par Jean Marie Forchez, destinée pour partie à l’achat d’une cloche et pour autre partie aux indigents de la commune. En euros de notre époque, ce legs s’élèverait à plus de 7000 €.
Plus tard, en 1879, Marie Chaize fut encore plus généreuse avec 1200 francs à repartir entre les besoins de l’église et ceux de la communauté des sœurs Saint Charles de Lyon qui assuraient l’enseignement primaire dans l’école mixte de Jeansagnière. A cet effet, la commune avait acheté une maison qui fut rapidement trop exigue et mal adaptée pour abriter deux salles de classe, le logement des sœurs et la mairie. Aussi, le conseil décida-t-il en 1875, de reconstruire entièrement cette maison, devenue aujourd’hui propriété privée et longtemps surnommée le « couvent », souvenir du passage des sœurs Saint Charles dans cette maison.
De leur vivant, les habitants de la commune savaient aussi mettre la main à la poche. En 1868, une souscription volontaire lancée auprès de la population pour les besoins de la nouvelle église, rapporta la somme de 9132 francs (plus de 32000 €). Cette souscription rassembla 53 donataires, soit certainement la totalité des familles de la commune. Les dons allaient de 600 francs pour les plus aisés à 2 francs pour les plus démunis. Pour la plupart d’entre eux, ces derniers ne savaient pas signer. Il durent ainsi faire appel à un témoin pour officialiser leur geste.
La population fut aussi sollicitée pour le transport des matériaux nécessaires à la construction de l’église. Il est écrit que les « propriétaires » se « sacrifièrent » pour acheminer la pierre et le gore. La pierre de taille fut extraite de la Pérouse sur les communes du Brugeron et de la Chamba au pieds de la Montagnette point culminant de la commune. Avec la seule traction animale, chacun mesurera les difficultés auxquelles nos anciens ont dû être confrontés. Le transport du gore se fit sans doute plus rapidement puisqu’il fut tiré d’une carrière située au dessus du village de Ladret.
Ainsi, année après année et au prix de nombreux sacrifices, nos ancêtres ont-ils réussi leur pari en se donnant une identité et un territoire. Au-delà de cette circonscription chèrement acquise, ils nous ont offert un bel exemple de générosité et de solidarité. L’ensemble nous a été légué ; puissions nous à notre tour poursuivre l’œuvre et l’exemple de nos valeureux ancêtres.